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« Cibler le Louvre, c’est cibler notre histoire et notre patrimoine » : le vol des bijoux interroge le prestige français

Même plusieurs semaines après le vol des bijoux de la Couronne au Musée du Louvre, les interrogations sur ses conséquences persistent. Au-delà de ce cambriolage, c’est l’image d’un symbole national qui vacille : le coup porté au prestige du Louvre fragilise-t-il le rayonnement culturel de la France ?

La couronne du roi de France Louis XV exposée dans la Galerie d’Apollon, le 14 janvier 2020

Le 19 octobre, huit bijoux de la Couronne de France, d’une valeur de près de 88 millions d’euros ont été dérobés au musée du Louvre. Conservant plus de 620 000 œuvres et accueillant près de neuf millions de visiteurs chaque année, le Louvre incarne une part essentielle de l’identité française. « C’est à la fois un espace de conservation et un objet patrimonial en soi », souligne Christian Hottin, conservateur en chef du patrimoine. Le vol des bijoux de la Couronne touche donc bien plus que des objets précieux : « ces pièces sont d’une grande valeur historique » et symbolisent notre patrimoine, rappelle Hottin.

Très vite, l’affaire a dépassé le cadre muséal pour devenir un sujet national. Après avoir fait la une des médias, sur les réseaux sociaux, les réactions des politiques se sont multipliées. Le président Emmanuel Macron a rapidement réagi, qualifiant sur X le vol commis au Louvre « d’atteinte à un patrimoine que nous chérissons, car il est notre Histoire ». Une affaire de vol, certes, mais aussi une affaire d’image : en visant le Louvre, c’est la réputation de la France qui semble avoir été touchée.

Une « insupportable humiliation » pour la France ?

Pour Nicolas Pitsos, spécialiste des usages politiques du patrimoine et de la muséologie, ce braquage témoigne plus d’une « faille » que d’une réelle « humiliation », comme le défend Jordan Bardella sur X. Une fragilité sur laquelle certains Etats pourraient s’appuyer pour justifier leurs demandes de restitution d’oeuvres ; encore gelées pour certaines aujourd’hui. Un phénomène qui avait déjà été observé après un vol similaire au British Museum en 2023 ; suscitant la réaction de la ministre grecque de la Culture au sujet de la frise du Parthénon. Sans produire d’effet immédiat, le braquage du Louvre pourrait donc nourrir, à terme, ce type d’argumentaires diplomatiques.

« Je n’y crois absolument pas »

Néanmoins, d’autres observateurs, comme Nicolas Bourriaud, historien de l’art et ancien directeur du Palais de Tokyo, relativisent la portée réelle de l’incident. « Aucun musée n’est un coffre-fort, ce n’est pas leur vocation », rappelle-t-il. Selon lui, un musée ne se résume pas à la protection de ses collections : c’est avant tout un espace vivant, ouvert et pensé pour accueillir le public. Une vision largement partagée à l’international, puisque dans une tribune publiée dans Le Monde, 57 dirigeants de grands musées ont défendu la nécessité de préserver cette ouverture.

Finalement, faut-il vraiment s’inquiéter pour son prestige ? À en croire les experts, le Louvre reste une institution solide. Rassurez-vous : même dépourvu de huit joyaux, la Joconde n’a pas l’intention de s’en aller.