Guerre en Ukraine : la Russie transforme ses musées en outils de propagande
En Russie, les musées prennent les armes. De la capitale aux régions plus excentrées, les expositions dédiées à la guerre en Ukraine se multiplient, portées par le ministère de la Culture.
Depuis février, le pavillon 58 du parc du VDNKh, à Moscou, abrite le Musée de “l’opération spéciale”, abrégée en russe par SVO, le terme officiel employé par le Kremlin pour désigner la guerre en Ukraine. Uniformes, drapeaux capturés, vidéos du front : la guerre y est présentée comme un récit héroïque, une mission de libération du Donbass. Selon lenta.ru, plus de 50 000 visiteurs s’y sont déjà rendus.
Partout dans le pays, des initiatives similaires émergent. Selon les données de Novaya Gazeta Europe, près de 750 musées, soit un sur six, ont organisé des événements pro-guerre depuis 2022, pour un total de plus de 2 100 expositions sur le thème militaire, dont plus de 800 consacrées spécifiquement au conflit ukrainien.
En début d’année, à Novgorod, Iochkar-Ola ou Dymitrograd, des musées régionaux ont ouvert leurs propres espaces “patriotiques”, où l’on expose armes récupérées, lettres de soldats et reconstitutions du front.
Des démarches que l’on trouve même dans les écoles du pays. Des salles de classe sont réaménagées en mini-musées où s’entassent fragments d’obus, portraits de soldats et dessins d’enfants. “Nous sommes fiers que nos pères et nos frères défendent notre pays contre les nazis”, confie un collégien lors de l’inauguration d’un musée scolaire à Samara, cité par The Moscow Times. Ces expositions, soutenues localement, font désormais partie des programmes éducatifs régionaux destinés à “renforcer le patriotisme des jeunes”.
Transmettre la "vérité"
Pour les autorités russes, ces expositions visent avant tout à défendre une seule vision du conflit : celle du Kremlin. “Les musées comme ceux-ci nous permettront de transmettre la vérité, la vraie vérité”, a déclaré le maire d’Oulan-Oude lors de l’inauguration d’un musée scolaire. Ce discours, repris par les responsables politiques et culturels, présente ces musées comme un outil d’éducation patriotique, chargé de relayer la version officielle de la guerre en Ukraine.
Derrière cette “vérité” imposée, le pouvoir cherche à ancrer dans les esprits l’idée d’une guerre juste, héritière du combat soviétique contre le nazisme. “Poutine et son entourage utilisent une rhétorique qui dépeint la guerre en Ukraine comme une autre guerre sacrée contre le fascisme. Et une telle guerre, par définition, ne peut pas être considérée comme criminelle”, analyse l’historien Vladislav Staf, chercheur russe en exil et spécialiste de l’héritage du Goulag. Ces musées deviennent ainsi des instruments de légitimation politique, où la mémoire et la propagande se confondent.
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